23/08/2016

DANS LE LABYRINTHE DE L'AVORTEMENT

Avortement, planning familial…

Débat autour des questions litigieuses

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Le droit des femmes à la santé nécessite l’élimination de tous les obstacles qui entravent l’accès aux services de santé ainsi qu’à l’éducation et à l’information, y compris en matière de santé sexuelle et génésique affirment les experts.                                                                                 

  • Gouvernement, parlementaires et Osc sur les contentieux

À cause du rôle singulier qu’elles jouent dans la reproduction humaine, les femmes sont plus concernées par les droits en matière de sexualité et de reproduction et donc affectées de façon singulière par les politiques gouvernementales. Pourtant, « les femmes n’ont pas toujours le pouvoir de prendre des décisions sur leur corps et leur santé sexuelle –ce qui est un droit humain fondamental-   »,  reconnaît pour le déplorer, Dr Moluh Seidou, Sous-Directeur de la Santé de la Reproduction au ministère de la Santé publique (Minsanté). C’était au cours d’un atelier de clarification des valeurs dans les soins de Santé Sexuelle et Reproductive, le cas de l’avortement notamment. Une rencontre organisée par la Cameroon National Association for Family Welfare (Camnafaw), une organisation Non-Gouvernementale à but non lucratif de promotion de la santé et des Droits Sexuels et Reproductifs. Dans le but explique le député Vincent de Paul Emah Etoundi, président de la Camnafaw, d’examiner tous les tabous qui tournent autour du planning familial, avortement…

Selon Emmanuel Ngappe Ngande, Directeur exécutif de la Camnafaw, le contexte mondial relatif à l’avènement des Objectifs de développement durable (Odd) et au renouvellement du Plan d’action de Maputo, se veut le prétexte pour la sensibilisation des élus du peuple, des Osc et autres partenaires pour l’atteinte des objectifs visés par les instruments suscités. Les experts soutiennent en effet que le planning familial est une réponse idoine contre la mortalité maternelle et infanto-juvénile dont les indicateurs ne cessent de croître en dépit des efforts consentis par le gouvernement et ceux qui appuient la mise en œuvre des programmes y relatifs. Tandis que les avortements sont un contributeur important au décès maternel fortement décrié. Pour le Pr. Nana Philip Njotang de la Faculté de médecine biomédicale (Fmbs) de l’Université de Yaoundé I, il s’avère donc urgent d’améliorer les connaissances et les attitudes des participants sur les questions relatives à la prévention et la prise en charge globale des avortements.

  • Environ 30% des décès maternels au Cameroun

Ce qui à son avis sous-entend entre autres : Faire la distinction entre les suppositions, les mythes et les faits en ce qui concerne les grossesses non désirées et les avortements chez les femmes et les familles qui en sont éprouvées ; Identifier les valeurs qui soutiennent les croyances et attitudes actuelles et être capable de décrire des valeurs alternatives et leurs conséquences; Séparer les croyances personnelles des rôles et responsabilités professionnelles dans le plaidoyer et dans l´offre de service d´avortement… D’après l’Oms qui définit l’avortement comme l’expulsion ou l’extraction hors des voies génitales de la mère d’un produit de conception pesant moins de 500g ce qui correspond à 20-22 Semaines d’aménorrhées. Dans les pays en  développement, 28 semaines ou 900g, sont les indicateurs retenus, insiste Pr. Nana. Plus d'un 303 000 femmes meurent des suites de complications de la grossesse et de l'accouchement.

Environ 99% sont enregistrés dans les pays en développement (Afrique, Asie). Sont selon cette organisation, particulièrement à craindre, les avortements à risque dont les complications peuvent mettre en jeu le pronostic vital de la femme ou pouvant entraîner une morbidité. Au niveau mondial, 44% des femmes qui meurent suite à des complications dues à un avortement non médicalisé, sont africaines. On enregistre en Afrique, 4,2 millions d’avortement à risque par an avec près de 300 000 décès. L’Oms indique que 10 à 50% des femmes ont besoin de soins médicaux suite à des complications liées à l’avortement. Au Cameroun, 30% de mortalité maternel est liée à l’avortement. Soit près de 235 décès sur les 782 décès pour 100 000 naissances vivantes estimées comme taux de mortalité dans le pays. Car affirme Pr. Nana : « La majeure partie des avortements sont provoqués et se déroulent dans la clandestinité face une législation assez rigide ».

  • Une législation rigide

En effet, sur la question, la loi est assez restrictive (Code pénal, article 337-339). Aussi, la société civile à travers la voix de Suzanne Ngnié de Swaa-Cameroun interpelle le Parlement à réfléchir sur la problématique de la femme  qui a besoin des solutions pour un avortement sécurisé. En effet,  « Quand une femme veut avorter, elle le fera malgré tout », soutient Esther Endale, de l'Association contre les violences faites aux femmes (Avlf). Et plusieurs raisons peuvent conduire à une telle décision : Contrainte sexuelle ou viol, Problème de santé mentale ou physique, Échec de la contraception, Abandon ou relation instable, Problèmes financiers, Jeune âge, Souhait de continuer les études, la femme n’est pas mariée, elle a trop d’enfants, elle ne souhaite plus avoir un enfant, Etc. Une fois le « mal » fait, son impact se ressent à tous les niveaux notamment au sein de la famille affectée et donc de la société. Par exemple renseigne Pr. Nana, le décès de la mère impacte sur la vie des enfants ; Les douleurs et les problèmes liés à l’avortement peuvent interférer avec les travaux ménagers, limiter la productivité, entraver la capacité à s’occuper des enfants et affecter les relations sexuelles. En outre, le traitement des complications d’avortement consomme une grande partie des maigres ressources. Il coûte entre 1600 Fcfa et 476000 Fcfa dans notre pays. De même qu’il prend du temps au personnel dont le nombre est déjà insuffisant ; il consomme en termes de transfusion sanguine, du sang très souvent rare pour traiter d’autres pathologies…

Le médecin n’oublie pas les implications psycho-sociales des avortements (Sentiment de mort, troubles  sexuels, diminution de l’estime de soi, détérioration des relations sociales, douleur des dates anniversaires, malaise à la vue des bébés…). Afin d’atténuer l’ampleur du problème, Pr. Nana suggère une panoplie de pistes qui interpellent à la fois le politique, les personnels de santé et la communauté qu’elle soit traditionnelle ou religieuse. A leur niveau, les politiques devraient : Assouplir la barrière légale ; Mettre un programme national spécifique à la question des soins après avortement (Saa); Améliorer les conditions de vie des populations ; Améliorer les équipements en ressources  humaines qualifiées et  en matériel dans les structures sanitaires ; Soutenir les services de Planification Familiale. Quant aux personnels de santé, ils devraient améliorer l’accueil des patientes devant bénéficier de Saa ; Savoir reconnaître ces  limites et recourir à une personne qualifiée devant certaines difficultés de prise en charge. On devrait aussi créer des Services pour Saa dans les formations sanitaires. Les communautés ont pour leur part, la responsabilité d’assouplir les barrières religieuses et culturelles ; S’approprier les moyens scientifiques disponibles  dans les services de Saa ; s’organiser en mutuelle pour amoindrir les coûts de prise des Saa et surtout, fréquenter les formations sanitaires le plus tôt possible.

Nadège Christelle BOWA

N° 4643 du mardi 23 août 2016

 

 

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