10/05/2017

PRES DE 7 000 DÉCÈS MATERNELS ANNONCES EN 2017

CAMEROUN

 

C’est à ce décompte effroyable de morts liés à la grossesse et aux complications relatives à l’accouchement que le Cameroun s’achemine si rien fait dans notre pays. Le 5 Mai, journée internationale de la Sage-femme, rappelle l’importance de leur rôle pour l’amélioration de la santé maternelle dans le monde entier et principalement au Cameroun où, la profession peine.

 le partenariat de la vie.jpg1- Tendance morbide

Si dans certains pays, l’idée qu’une femme puisse mourir en donnant naissance est impensable, dans de nombreux autres, une femme qui survit à l’accouchement est une miraculée. En effet, le taux de mortalité maternelle mondial rappelle que mourir pendant l’accouchement est toujours un fléau qui touche des centaines de milliers de femmes à travers le monde. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (Oms), 830 femmes environ meurent chaque jour de causes évitables liées à la grossesse et à l’accouchement. Soit environ 340 000 par an. 99% de tous ces décès maternels surviennent dans des pays en développement où en moyenne, les femmes ont beaucoup plus de grossesses. Cette mortalité maternelle est plus élevée en milieu rural et dans les communautés les plus pauvres.

Au Cameroun, avec des taux de 782 pour 100 000 naissances vivantes en ce qui concerne la mortalité maternelle (Eds-Mics 2011) et de 28 pour 1000 naissances vivantes pour ce qui est de la mortalité néonatale (Mics 2014), le pays est encore très loin de la cible visée par les Objectifs de Développement Durable (Odd) adoptés en septembre 2015. Lesquels ont retenu parmi leurs cibles de faire passer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes en 2030 et le taux de mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus. De nombreuses études et enquêtes réalisées sur cette problématique relève comme principale cause de ces décès : un manque d’accès aux soins de santé qualifié, c'est-à-dire à des centres de santé techniquement équipés, dont le personnel médical est formé à la prise en charge des urgences obstétriques.

2- Des besoins non couverts en dépit du potentiel

De ce fait, « la plupart de ces décès pourraient être évités si les femmes enceintes avaient accès à un personnel de santé qualifié au moment où une complication survient », suggère  le Fonds des Nations Unies pour la population (Unfpa). Les sages-femmes bien formées ont été identifiées comme les instruments indispensables de la lutte contre la mortalité maternelle. « De plus, on estime que les investissements dans la formation des sages-femmes, avec un déploiement dans les services à base communautaire, pourraient rapporter 16 fois le montant investi en termes de vies sauvées et de coûts de césariennes évités », relève le rapport intitulé « Etat de la Pratique de sage-femme dans le monde 2014 : Sur la voie de l’universalité. Le droit des femmes à la santé», coordonné par le Fonds des Nations Unies pour la population, la Confédération internationale des sages-femmes et l’Organisation mondiale de la Santé au nom des représentants gouvernementaux et des parties prenantes de 73 pays et de 30 partenaires au développement mondial.

S’agissant précisément du Cameroun, l’Enquête dénommée Rapide d’Evaluation des Besoins en Soins Obstétricaux et Néonatals d’Urgence au Cameroun, menée en 2015 par le ministère de la Santé Publique, avait dénombré la présence de 394 sages-femmes dans les formations sanitaires de la 1ère à la 4ème catégorie dont 21 bénévoles alors que l’effectif nécessaire selon les normes établies par ledit ministère en 2011 est de 1146 pour couvrir les structures de santé éligibles. Cependant, si l’on considère la norme internationale de 6 sages-femmes pour 1000 accouchements, il en faudrait un peu plus de 5358 afin de prendre en charge de manière adéquate les 892 970 grossesses attendues en 2017. Sinon, l’on s’achemine vers une hécatombe. Soit environ 7 000 décès de femmes qui vont mourir en donnant la vie, si l’on considère la prévalence de 782 décès pour 100 000 naissances.

Afin de résorber la forte pénurie de personnels à compétence obstétricale observée dans nos formations sanitaires, le Gouvernement avec l’appui technique et financier de ses partenaires, a procédé à l’ouverture de 10 écoles de formation des sages-femmes. Ces dernières qui ont à ce jour une capacité de production totale annuelle de 250 diplômés ont déjà enregistré 665 lauréats. Mais, seulement 179 ont été recrutés et déployés sur le terrain depuis décembre 2015. L’on évoque pour justifier la faible capacité d’absorption de ces personnels, la non-finalisation du processus de leur recrutement et la non-mise en œuvre du plan pluri annuel de déploiement des sages-femmes élaboré par le ministère de la Santé Publique en 2015. Ce plan prévoyait entre autres le recrutement de 150 sages-femmes en 2016 et 2017. L’une des difficultés freinant ce processus étant l’inexistence du corps des sages-femmes dans la nomenclature des corps de métier de la fonction publique. Par ailleurs, les conditions de travail sont peu propices à la fidélisation de celles qui sont déjà sur le terrain. L’on note aussi, le déploiement de certaines d’entre elles dans des formations sanitaires peu actives. D’après les statistiques conjointes Minsanté/GIZ, 40% de celles qui sont encore en poste, travaillent dans des formations sanitaires où l’on pratique environ 3 accouchements par mois au risque d’une déperdition de leurs compétences.

3- Des solutions existent 

S’il est établi que le besoin en sages-femmes est bien réel au Cameroun, « l’Etat à lui tout seul ne pourra assurer le recrutement de l’effectif nécessaire pour pallier ce déficit malgré tous ses efforts », relève l’Unfpa qui suggère dans la foulée d’autres possibilités de recrutement et de rémunération. En somme, il est encore possible d’inverser cette tendance morbide, voire obtenir des changements nécessaires en matière de santé de la mère et de l’enfant et progresser vers l’atteinte des cibles des objectifs de développement durable. Il faudrait pour cela selon l’Unfpa, accroître le recrutement, le perfectionnement et le maintien en poste de ce personnel de santé.

Concrètement recommande cette agence des Nations Unies, les décideurs devraient : Mettre en place un environnement favorable au développement de ces professionnels comprenant notamment la création du corps des sages-femmes dans la fonction publique,  leur rétribution à un juste salaire, la mise en place de mesures incitatives pour la fidélisation de celle déjà recrutées, etc. ; mettre en œuvre le plan pluri annuel de déploiement des sages-femmes en vue d’accroître les besoins satisfaits en soins aux femmes enceintes et nouveau-nés en tenant compte de la plus-value des affectations en binômes ; encourager le recrutement de ce personnel par le secteur privé; mobiliser des ressources pour permettre et faciliter les interventions notamment trouver des financements innovants pour couvrir leurs salaires. À l’instar du Financement Basé sur la Performance qui va s’étendre aux régions du Septentrion, le financement par les communautés territoriales décentralisées, l’emploi par le secteur privé qui peuvent assurer le paiement de salaires et la stratégie du chèque santé qui s’accompagne de primes aux prestataires.

Et la Journée internationale de la Sage-femme qui se célèbre ce 5 mai 2017 sous le thème : «Les sages-femmes, mères et familles: partenaires pour la vie!», offre outre l’occasion de rendre hommage aux femmes (et aux hommes !) qui pratiquent ce métier mais relève davantage leur importance au sein de la société et l’urgence de la prise en compte effective de ces « acteurs essentiels » dans la lutte contre la mortalité  maternelle et infantile dans notre pays. Dans le monde entier, ces dernières savent qu'en travaillant en partenariat avec les femmes et leurs familles, elles peuvent les aider à prendre de meilleures décisions sur ce dont elles ont besoin pour connaître un accouchement épanouissant et sans risque.

Nadège Christelle BOWA

 Sources Le Messager du 4818 du vendredi 5 mai 2017

 

 

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