20/07/2015

LES COUACS DE LA VACCINATION DE ROUTINE

Santé publique

 
Malgré les nouveaux vaccins introduits au Pev, les maladies infectieuses évitables par ce mode de prévention prospèrent.
 
 
Ce mercredi 15 juillet 2015, le ministre de la Santé publique, André Mama Fouda, va présider  à Yaoundé, la cérémonie officielle de lancement du vaccin polio injectable (Vpi). Ce nouveau vaccin sera administré dans un premier temps  aux enfants de 14 semaines, en même temps que le vaccin polio oral (Vpo) jusqu’ici disponible dans les formations sanitaires et les points de vaccination du pays. Le Vpi va définitivement remplacer le Vpo. C’est ce qu’en a décidé l’Organisation mondiale de la santé (Oms). Résultat escompté : éradiquer de la poliomyélite en 2018, conformément aux objectifs fixés par l’Oms qui a inscrit l’achèvement de la circulation du poliovirus sauvage comme urgence de santé mondiale lors de ses assises en 2012.
Si grâce à la mobilisation du Cameroun et des différentes couches sociales, la poliomyélite a pu être maîtrisée suite à l’épidémie qui s’est déclenchée en octobre 2013 et pour laquelle neuf malades ont été enregistrés,  il se pose toujours le problème de la vaccination de routine. Celle que coordonne le programme élargi de vaccination (Pev). Et c’est le lieu de s’interroger sur la nécessité d’introduire des nouveaux vaccins au Pev lorsqu’on sait que ceux déjà disponibles ont du mal à s’imposer au niveau des populations.
« Jusqu’ici nous avons identifié cinq villages du district de santé de Benakouma touchés par l’épidémie de rougeole. La cause principale de la résurgence de cette épidémie dans le Nord-ouest c’est la faible couverture de la vaccination de routine. Je profite de cette antenne pour exhorter les parents de tout mettre en œuvre pour que tous les enfants de zéro à onze mois complètent leurs calendriers de vaccination ». Cette déclaration du Dr Julius Ntamah, le chef d’unité régionale du Programme élargi de vaccination pour le Nord-Ouest, sur les antennes de la Cameroon Radio and Television (Crtv ), station régionale de Bamenda peut être collée à tous les responsables de santé de l’ensemble du territoire national. Le Nord-ouest est actuellement secoué par une épidémie de rougeole qui a déjà atteint 106 personnes à en croire le gouverneur de la région Adolphe Lélé Lafrique. L’autorité administrative a demandé aux responsables régionaux de la santé d’organiser une riposte au travers d’une campagne  de vaccination gratuite. La vaccination définie par le Dr Bikoy comme un procédé consistant à introduire un agent extérieur dans un organisme vivant afin de créer une réaction immunitaire positive contre une maladie infectieuse. La substance active d’un vaccin est un antigène destiné à stimuler les défenses naturelles de l’organisme.
Préjugés
Les autorités sanitaires qui ne se sont pas fait prier ont annoncé cette vaccination. Mais qui vont-ils vacciner? L’idiologie de certains leaders politiques et religieux présentant la vaccination comme un moyen pour freiner la procréation dans certaines couches sociales a réussi à s’imposer auprès d’un certain public. Au plus fort de l’épidémie de poliomyélite, alors que le Cameroun croupissait sous le statut de pays exportateur du poliovirus sauvage à lui attribué par l’Oms, les forces de maintien de l’ordre ont obligé un citoyen de la région de l’Ouest à laisser son fils recevoir les gouttes de vaccin.
Des investigations sur les cas de poliomyélite enregistrés au Cameroun entre octobre 2013 et juillet 2014 ont attesté que les enfants qui avaient contracté la maladie n’avaient pas été régulièrement vaccinés. Les conséquences ne sont pas seulement perceptibles pour la poliomyélite. «La prévalence de la rougeole reste élevée au Cameroun. Avec 1.184 cas suspects, dont 609 positifs et 73 décès. En 2013, l’on observe une flambée de l’épidémie avec 111 cas investigués et 26 cas positifs». André Mama Fouda peut aller plus loin.  « 1.184 malades de fièvre jaune, dont 111 cas ont été confirmés. Les ravages causés par les maladies évitables par la vaccination s’étendent aussi sur le plan mondial. Illustration 222 cas de polio virus sauvage ont été enregistrés, dont 127 cas en Afrique. » A elle seule, la rougeole cause les décès de 28.000 enfants chaque année, d’après le ministère de la Santé publique. La méningite n’est pas moins cruelle : En 2012, elle a tué 74 individus des sources sanitaires.
Sensibilisation
Pour l’anthropologue Célestin Ngoura, le gouvernement doit déployer des efforts pour communiquer et sensibiliser les populations afin que les sommes importantes qu’il affecte pour l’acquisition des vaccins ne soient pas un gaspillage et que les enfants soient suffisamment immunisés. Une jeune mère donne raison à l’universitaire. « Pendant ma grossesse, je n’ai pas entendu parler de vaccination lors des consultations prénatales. Or, c’est le moment propice pour sensibiliser sur l’importance des vaccins pour la mère et l’enfant », s’indigne Virginie Ateba, primipare.
Une étude a été réalisée par les responsables de la vaccination sur 310 enfants dont 160 filles et 150 garçons dont l’âge variait entre 16 et 48 mois. Toutes les mères étaient scolarisées et certaines avaient atteint le niveau du secondaire. Il s’est alors trouvé que les enfants correctement vaccinés étaient ceux des mères qui avaient un niveau de scolarisation aussi élevé. L’étude relève aussi la responsabilité du personnel vaccinateur qui doit lisiblement porter la date du rappel dans le carnet de l’enfant pour permettre au parent de se renseigner en temps opportun. Le revenu aussi. Le Cameroun s’était fixé d’atteindre un taux de couverture vaccinal de 88% en 2009. Jusqu’en 2014, il était de 72% environ sur l’ensemble du territoire.
Adrienne Engono Moussang

16/07/2015

LE PRESERVATIF FEMININ POUR DES FEMMES EN SANTE

Grossesses non désirées et avortement

Ce contraceptif se positionne comme un moyen de lutte contre la maternité précoce et les grossesses non désirées dans un environnement où l’on déplore une augmentation du taux de mortalité maternelle estimé à 782 décès pour 100 000 naissances vivantes.

Agée de 20 ans, Michelle, vendeuse au marché du Mfoundi à Yaoundé est maman d’une petite fille de 4 ans. Afin de pouvoir s’occuper de son enfant, la jeune fille abandonnée par le géniteur a du interrompre ses études. « Cela me fait mal. Mes camarades aujourd’hui sont à l’université », regrette cette dernière en observant que si elle avait été bien conseillée, elle n’en serait pas là. Au Cameroun renseigne Dr Léonard Bonono, coordonnateur régional de la lutte contre le Vih/Sida pour le Centre, l’âge médian des premiers rapports sexuels est de 18,7 ans pour les hommes et 17 ans en ce qui concerne les femmes. Il ajoute que sur 1000 adolescentes de 15 à 19 ans, 127 ont déjà au moins une maternité. Tandis que dans les couples, 25% des grossesses arrivent alors que les conjoints sont contre ou pas du tout prêt à les recevoir.

Toujours en termes de chiffres, la Guttmacher Institute dans un rapport sur « Les avantages à répondre aux besoins de contraception des camerounaises » estime qu’en 2013, environ 40% des grossesses enregistrées dans le pays étaient non planifiées. Alors que le taux de mortalité maternelle a augmenté selon les conclusions de l’Enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples (Eds-Mics) passant ainsi de 669 à 782 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes entre 2004 et 2011. Des statistiques toujours d’actualité. Pour cette Ong, si une réponse était apportée à l’ensemble des besoins non satisfaits de méthodes modernes de contraception (stérilisation masculine ou féminine, les contraceptifs oraux, stérilets, contraceptifs injectables, implants et préservatifs masculins et féminins), la mortalité maternelle chuterait de plus de 20%, et les naissances non planifiées et avortements à risque de 75%.

Limites

Le Dr Bonono à qui est cher le concept de « Double protection », l’abstinence comme l’utilisation correcte du préservatif autant masculin que féminin vient résoudre la double problématique liée aux Ist-Vih/Sida et grossesses précoces et non désirées. Et le préservatif féminin en dépit de quelques préjugés entend se positionner dans la mesure où le préservatif masculin connaît quelques limites et face à l’inaccessibilité des autres méthodes de contraception moderne. Des anecdotes sur les limites du préservatif masculin, Annie Michelle Mvogo, Chef de division Vih à l’Association camerounaise pour le marketing social (Acms) en a : « Il y a des femmes qui vous disent, j’ai utilisé un préservatif masculin avec mon mari, mais je me suis retrouvée enceinte ». Mais aussi, « Vous avez des femmes qui lors des rapports sexuels doivent absolument négocier le port du préservatif masculin parce que cela ne dépend que de l’homme. Et si l’homme veut, à l’instant « t », il le met ou ne le met pas ».

Elle milite donc pour que « les femmes prennent les choses en main. Parce que laisser sa protection aux mains d’une autre personne, c’est jouer au hasard avec sa santé et sa vie ». Toutefois, précise Annie Michelle Mvog, « Le sexe est une affaire de deux personnes. Une femme n’imposera jamais le préservatif féminin dans son couple. Nous avons besoin de l’accord des hommes qui sont des supports sociaux, des supports pour que les femmes puisque se protéger et prendre soin de leur santé ». Et les expériences montrent ajoute-t-elle encore que : « lorsqu’un homme a accepté que sa femme mette le préservatif féminin, il n’y a pas de négociation. Lui-même prend plaisir à cela. Evidemment, ça devient une habitude dans le couple parce que, le préservatif féminin ne demande pas que l’homme ait une érection ». Car explique l’expert, la panne d’érection au moment du port du préservatif masculin peut constituer un obstacle à son utilisation. Des problèmes que l’on n’aura pas en utilisant celui féminin qui peut s’insérer jusqu’à 4heures avant le rapport sexuel. Mieux, « souvent même c’est l’homme qui le lui met. Ça participe du jeu sexuel. Et lorsqu’on a trouvé la bonne érection, on commence le rapport sexuel, on prend du plaisir à deux ». L’autre bénéfice majeur est celui d’avoir une femme en santé. Et donc, « la famille en santé, des enfants, la société en santé ».

 

Nadège Christelle BOWA

CONTRACEPTION

25% des besoins ne sont pas satisfaits au Cameroun

Selon le Dr Nana, gynécologue, si on augmente le nombre de femmes qui prenne la contraception correctement, on va diminuer de 30% le taux des avortements avec une incidence positive sur la mortalité maternelle.

 

« C’est une réalité. Les femmes meurent à cause de l’avortement», martèle Dr Nana Philipp gynécologue à la maternité principale de Yaoundé. C’était vendredi 1er mars dernier à la Camnafaw mimboman à Yaoundé. A la faveur d’une rencontre organisée par le Réseau des journalistes pour l’application du Plan de Maputo impulsé par la Camnafaw, Ong de santé camerounaise. Réflexion organisée en prélude a précisé Adrienne Engono, la présidente, de la journée internationale de la femme le 8 mars prochain. Pour étayer ses propos l’expert par ailleurs chargé de cours à la Faculté de médecine et de science biomédicale cite les statistiques produites par l’Oms. Selon cette organisation, 15% de la mortalité maternelle est liée à l’avortement. Si partout dans le monde cette mortalité maternelle a baissé, -247pour 100 000 naissances vivantes, 97% des femmes qui meurent sont dans les pays en développement (Afrique et Asie)- au Cameroun regrette Dr Nana, elle a plutôt augmenté. « On est à 782 pour 100 000 naissances vivantes contre 669. Et, il existe des disparités dans les régions. Dans certaines, le taux est tellement élevé qu’on peut penser qu’on n’y fait rien. C’est comme si on laissait les femmes au bon vouloir de la chance ».

Chaque année dans le monde, on recense 20 millions d’avortement à risque. Cela signifie analyse Dr Nana, qu’il y a 20 millions de grossesse non désirées, non planifiées. 70 milles meurent pour cause de complication liée à l’avortement lequel se situe parmi les 5 premières causes de la mortalité maternelle. Au Cameroun, il est 3e après l’hémorragie, les maladies hypertensives, c’est l’infection et très souvent l’avortement en est la cause. En Afrique subsaharienne, la mortalité maternelle est de 1020 pour 100 000nv. Selon une enquête réalisée dans les années 90 à l’hôpital central, 30 à 40% du taux de mortalité maternelle était lié à l’avortement. Des chiffres qui donnent froid au dos. Agression sexuelle et viol, problème mental et physique ; échec de contraception, abandon, jeune âge de la fille, pauvreté sont autant de raison qui peuvent pousser la femme à l’avortement qui peut être spontané ou provoqué. Dans ce dernier cas source de complications, c’est l’infection explique le médecin qui va conduire la patiente à l’hôpital. Que cette dernière va rejoindre dans un tableau de fièvre et de douleur. Le saignement va arriver à la sortie du bébé. Plusieurs objets sont utilisés pour mettre fin à une grossesse. Les méthodes sont parfois des plus incongrues (écorce d’arbre introduit dans l’utérus…)

Diminuer de 30% le taux des avortements

Le gynécologue qui se défend d’encourager les avortements précise tout de même que pour la femme qui a besoin de ce service, le centre qui l’offre doit être accessible, offrir des soins de qualité en terme de personnel formé et de plateau technique ; et doit pouvoir proposer à la demanderesse un large éventail de méthodes, « on parle de choix ». Ce qui amène au droit. La femme doit pouvoir choisir entre plusieurs options : médicaments, chirurgie, curetage… Le 2e droit étant celui d’avoir la grossesse et quand l’avoir. Ce qui implique le droit du comment ne pas avoir la grossesse. « Quand on parle d’avortement, c’est très souvent le point de départ ». Le gynécologue observe qu’au Cameroun 16% de femmes utilisent les modernes de contraception tandis que 20 à 25% des besoins en contraception ne sont pas satisfaits. Pourtant, « si on augmente le nombre de femmes qui prenne la contraception correctement, on va diminuer de 30% le taux des avortements et ceci aura  une incidence sur la mortalité maternelle ».

À son avis, si on fait la prévention première qui est celui de ne pas concevoir, « je crois que cela va résoudre tous les problèmes avant qu’il ait des complications. S’il y a grossesse, est-ce que la femme doit avoir le droit de déterminer si elle peut le porter à terme ou pas ? C’est là où se pose tout le problème avec les accords de Maputo. Selon moi, les choses ne sont pas très claires ». Aussi, il propose de déterminer les contenus. Le concept « Santé maternelle » tout court étant vague, selon lui, il faut aller plus loin. « Est-ce que la jeune fille à 14 ans violée qui se retrouve avec une grossesse, doit-elle la garder ? Est-ce que la femme venue pour une planification familiale et victime d’un échec de méthode doit continuer cette grossesse ? » sont autant de pistes de réflexion suggérée pour dépassionner le débat et déterminer les situations dans lesquelles une femme peut arriver à demander une interruption de grossesse. Le médecin reconnaît cependant qu’après ces préalables, il va falloir résoudre la question de qui sera habilité à procéder à un Ivg. « Il faut également résoudre le problème de coût, si non même en légalisant, on toujours se retrouver avec des complications parce que pour des raisons pécuniaires, certaines vont opter de se débrouiller au quartier ; le droit à l’information complète ».

 

Nadège Christelle BOWA